ici c'est Netlex qui cause de moi

Laurinette ne sait pas faire blog

"Comme tout blog, Secours populaire fera place à des habitudes connues de la "blogosphère" :

• des rédacteurs en nombre choisi, identifiés et contextualisés
• une concision dans les propos
• des mise à jour fréquentes
• un style commun
• des impressions sincères et vécues
• des histoires et de la vie"

Laurinette, elle, a écrit sur MediaTIC en commentaire d'un article d'Isabelle Vodjdani ces quelques mots que je me permets de reproduire ici :

"Voilà j'écris ici, je sais pas, un peu comme une bouteille à la mer, bien la preuve que mon blog était une tentative désespérée d'exister. Au fil des mois, mes pauvres lecteurs y ont vu de la joie, déjà sur le fil du rasoir, tourner à la franche dépression. Je sais pas bien ce que j'ai pu apporter ainsi au "Monde". J'aurai mieux fait de continuer à me taire. C'est irrationnel mais j'ai l'impression que c'est ce blog qui a tout déclenché, ou qu'il a été au moins un catalyseur, je lui impute fantagorisquement le cancer de mon père, j'ai besoin d'un responsable, je me sens si coupable. Je crois que je vais faire une pause, je me sens étouffée par cette blogosphère croissante et plutôt joyeuse, cette auto-analyse via les blogs n'aura eu qu'un résultat : me démontrer que la réalité "réelle" est décidément trop dure à vivre, mais que l'on a pas le choix. Un simple reflet de nous-mêmes : toujours aussi nulle, seule, chômeuse et malade, et même, je ne l'ai jamais été autant". (…) 10.28.04 - 3 :50 pm

Laurinette dont je ne connais pas le weblog n'est ni identifiée, ni "contextualisée". Elle n'a pas laissé d'e-mail non plus. Le malheur dont on parle un jour de déprime, on préfèrerait ne pas lui donner d'adresse et le croiser le moins souvent possible.

Il n'y aura pas de mise à jour fréquente, parce qu'elle a été effrayée d'avoir pu révéler à des inconnus des choses si intimes qu'elle est toute honteuse à l'idée qu'ils aient pu lire ses secrets.

Les bleus à l'âme n'ont pas de style commun.

L'histoire de chacun, elle est unique, elle est précieuse.

Laurinette ne nous livre pas ses impressions. Elle dit le poids de la vie qui est parfois trop lourd à supporter.

Laurinette a déposé sa peine sur la page, avec des mots simples. Des mots de tous le jours qui racontent un moment de sa vie.

Laurinette avait besoin d'écrire pour sentir qu'elle existe. Que derrière l'écran impersonnel de l'ordinateur, il y a de gens qui la lisent. Des gens pour qui pourraient peut-être lui dire les mots qui soulagent, ou dont le fait de savoir qu'ils l'écoutent, allégerait son fardeau.

Laurinette se moque bien des "habitudes connues de la blogosphère" qu'au surplus elle aurait d'excellentes raisons d'ignorer, comme nous tous d'ailleurs.

Rappeler la taille règlementaire du mouchoir à utiliser pour sécher vos larmes, qu'il soit en tissu ou simplement "numérique", est symptomatique de notre société qui vous un culte au bien être d'autant plus immodéré qu'elle est elle même anxiogène.

La première enquête qui fait un état des lieux des troubles psychiques en France révèle notamment que plus d'un Français sur dix a souffert récemment de dépression (Les Français face à la dépression)

Laurinette aurait bien tort d'avoir honte de sa peine, et de sa difficulté à l'assumer tous les jours. Elle a simplement eu le courage de dire ce que des millions de personnes comme elle, comme nous tous, à un moment de notre vie, préférons cacher aux autres.

La blogosphère n'est pas, contrairement à ce que Laurinette a pu croire, une société virtuelle et joyeuse peuplée d'insouciants qui ignorent les difficultés de la vie.

Elle est un nouvel espace public dans lequel nombre de ceux qui s'y "produisent" sont en représentation, a fortiori s'ils ont quelque chose à vendre ou des idées à faire passer.

C'est pourquoi, on peut dire merci à Laurinette, de nous rappeler que notre société "communique" trop, et ne sait pas "écouter".

Si nous n'y prenons pas garde, il viendra un jour où le chagrin sera un luxe que seul pourront s'offrir ceux qui auront le temps de s'arrêter pour penser à leur peine.

Les autres seront priés de garder le rang, de rester dans la norme, surtout, de ne rien faire qui pourrait donner une "mauvaise image" de la blogosphère dynamique et rieuse, qui s'est déjà débarrassée de tous ceux qui ne peuvent accéder à internet, et auxquels s'ajoutera bientôt, tous ceux qui seront explusés dès les premiers jours de mars.

Laurinette ne sait pas "faire blog". Mais elle si elle le souhaite, elle trouvera certainement dans la blogosphère comme dans la "vraie vie", des gens attentifs et ouverts, qui l'écouteront sans la juger.

Comments

[laurinette]

J'ai un peu honte de m'être laissée aller. M'enfin, si tout va mieux aujourd'hui, c'est peut-être aussi en partie grâce à ses encouragements. Merci :-)