mon double

Longtemps, j'ai eu peur que ma soeur prenne ma place. Pas au sens courant de l'aînée qui voit arriver avec suspicion une petite soeur susceptible d'accaparer toute l'attention de ses parents. La peur irrationnelle qu'elle soit mieux, comme si on pouvait classer les gens. La jalousie autrement dit.

Moi en fait j'avais peur qu'elle ne me ressemble. Qu'elle ne soit moi. Avec tout ce que ça implique de défauts.

A partir de l'adolescence, elle a commencé à me "copiter": mêmes goût pour les fringues, mêmes expressions, mêmes revendications. Ma peur s'est changée en angoisse de disparaître, purement et simplement de la surface de la terre.

Il fallait dès lors que je me démarque physiquement, ce qui m'a été facilité par la nature: pas la même couleur d'yeux, ni la même taille. 

Récemment elle m'a raconté comment le gérant du Franprix l'avait prise pour moi, lui demandant comment elle allait (j'avais de bonnes relations avec ce type, d'un certain côté on peut dire qu'il m'a sauvé la mise et que je lui ai rendu la pareille; mais vu que je n'habite plus par là! lol).

Puis chez mes grands-parents, à ma Tante de s'exclamer: "c'est fou comme en grandissant vous vous ressemblez!"

A la table dominicale, j'ai du me rendre à l'évidence. Et bizarrement ça ne me déplait pas. Nous sommes encore plus proches comme ça, comme des soeurs jumelles ;-) Même si c'est le caractère qui diverge au final dans ses deux versions! lol

Peur enfantine de vivre sans cette solitude, qui finit par occuper de la place, comme une personne, avec les fleurs du papier peint qui formaient des personnages quand je m'endormais.

Petites on jouait à ramper à l'intérieur de la housse de couette, celle-ci devenait nuage, et le ciel tout rose. On attrapait des fourmis, on les mettait en bouteille avec du sucre et de l'eau qui finissait par les engluer, et ça faisait râler maman. On faisait du vélo à trois roues dans la cour avec Papa.